Chronique du 1er Mai 2020, dans l’émission Grand Bien Vous Fasse
Lors de son baptême, la princesse Aurore reçoit la visite de ses marraines, les fées, lorsque survient la sorcière Maléfique.
Elle menace : avant l’aube de ses 16 ans, Aurore se piquera le doigt à la pointe d’une quenouille et en mourra.
En vérité, Aurore ne mourra pas.
Elle tombera dans un profond sommeil
duquel elle sera libérée par le baiser d’un prince charmant.
Lorsque 16 années plus tard, la malédiction s’accomplit,
les fées endorment le royaume tout en entier
tandis qu’aux côtés du prince Philippe, elles vont œuvrer pour détruire Maléfique.
Ce sommeil d’Aurore, c’est notre confinement,
Notre malédiction, c’est ce virus odieux,
Et au dehors, certains luttent bel et bien contre les forces maléfiques,
Même si nos fées et notre prince à nous œuvrent
sans pouvoirs magiques ni armures
sans même, trop souvent, ni blouse ni masque…
Et pendant qu’ils luttent au dehors, nous sommes confinés au-dedans
comme Aurore dort dans la tour de son château.
Nombreux sont ceux qui ressentent ce confinement,
Comme du temps que l’on vole à leur vie,
Du temps perdu qui ne se rattrapera plus.
Ils ressentent frustration et colère.
Pour tenter de lutter contre ces vagues de désespoir, restent les rêves.
« On est loin des amours de loin, on est loin alors Madame rêve ».
Rêver soulage les impatiences du désir.
C’est ce que nous disent Bashung et La Belle au bois dormant.
Tous deux d’accord avec Freud pour qui rêver est un don :
celui de pouvoir réaliser nos désirs alors que la réalité nous en empêche.
On peut, comme Aurore, voir celui qu’on aime « au beau milieu d’un rêve ».
Quand l’absence de quelqu’un nous mord, on en « rêve encore »,
et on ressuscite l’absent, pour quelques instants.
Nos désirs, faute d’être réalisés,
pourraient peser sur notre conscience,
et nous rendre malheureux.
Mais le rêve nous apaise en leur offrant un espace où se réaliser.
C’est ce que Freud appelle la sublimation.
C’est pour cela que
comme le chante Il était une fois,
on a encore rêvé d’elle,
même si elle n’a rien fait pour ça.
Aurore chante
sur une musique de Tchaïkovski,
les vertus des « rêves bleus »,
ces présages joyeux,
qui nous permettent d’attendre l’heure de notre bonheur.
Un jour, comme Aurore, nous nous éveillerons.
Nous sortirons au-dehors.
Et, alors,
« même si le temps presse
même s’il est un peu court »,
nous pourrons faire de nos rêves de confinés,
des réalités sublimes.