Ces 3 Disney à revoir à Noël pour y trouver leur philosophie cachée

Ces 3 Disney à revoir à Noël pour y trouver leur philosophie cachée

Et si donc nous regardions Disney autrement? Exercice pratique!

Noël est de retour. Noël et son sapin brillant de mille feux. Noël et ses lumières qui habillent nos rues. Noël et son repas aussi. Pour les plus chanceux: truffes, champagne et chocolats! Bref: Noël, ce sont toutes ces réjouissances qui font que, même lorsque l’on a grandi et perdu un certain nombre d’illusions (que nous ne préciserons pas au cas où certains lecteurs aient la chance de les avoir conservées, disons simplement qu’elles impliquent un bienfaiteur habillé de rouge!), le réveillon conserve encore un peu de magie…

Noël, c’est tout cela mais Noël c’est aussi le plaisir de voir ou revoir un bon Disney! En effet, que serait Noël sans la joie de retrouver le monde merveilleux des dessins-animés de notre enfance? Qui mieux que Disney parvient à insuffler un peu de magie et d’espoir dans notre monde souvent si désenchanté?

Noël, “C’est la fête! C’est la fête!” et peut-être chantez-vous comme Lumière et Mrs Samovar personnages savoureux de La Belle et la Bête, tout en préparant vos agapes:

Un dîner aux chandelles,

Mais tout est prêt pour la demoiselle,

Bombes glacées, champagne au frais,

Nappes empesées dans ma corbeille.

Dans ce cas-là, n’hésitez plus et ajoutez:

Au dessert, je ferai du thé,

Et regarderai un bon Disney!

Eh quoi! Il n’y a pas à rougir d’aimer ainsi retrouver tous ces personnages qui sont autant de vieux amis comme Peter Pan, Pinocchio, Baloo ou Olaf! Non, ce n’est pas un plaisir futile que d’adorer voir et revoir Pocahontas,La Petite Sirèneou Wall-E. Non, ce n’est pas une joie purement régressive que de chanter à tue-tête: “Hakuna Matata” ou “Il en faut peu pour être heureux“!

Chose étonnante: alors qu’il ne viendrait à l’esprit de personne de dire qu’Andersen ou Grimm ont écrit des œuvres mièvres et caricaturales, c’est pourtant le jugement que certains s’autorisent sur ces objets merveilleux que sont les dessins-animés de Walt Disney faisant de notre plaisir à les regarder une joie presque coupable… Rien n’est pourtant plus faux! Bien des Disney ne s’inspirent-ils pas précisément d’Andersen ou Grimm? Ah, ce mépris dans lequel on tient la culture populaire…

Pour m’attaquer à ces jugements caricaturaux, je fais le pari dans mon livre “Ils vécurent philosophes et firent beaucoup d’heureux” que derrière les histoires, les personnages ou les chansons de Disney se cache une profonde sagesse. Au fond, j’applique une des grandes leçons de Disney même qui nous invite à voir par-delà les apparences. Et si donc nous regardions Disney autrement? Exercice pratique!

Aladdin

Qui ne rêverait pas de posséder la lampe d’Aladdin? Qui ne s’est pas imaginé à sa place et ne s’est pas demandé quels seraient les vœux qu’il adresserait au génie? Une chose est sûre: tous, nous poursuivons le bonheur. En possession d’une telle lampe, nous viserions donc tous la même chose à travers nos vœux même si nous différerions quant au contenu que nous leur donnerions.

Aladdin, qui s’est épris de la Princesse Jasmine, semble tenir pour inévitable que sa condition de mendiant lui interdit tout espoir d’être aimé en retour. Ainsi, lorsqu’il formule son premier vœu, il demande au génie de faire de lui un prince. C’est une erreur qu’il finira par reconnaître. Il aurait dû, avant de faire son vœu, lire les Essais de Montaigne.

Pourquoi? À en croire le philosophe, le bonheur tient à une évaluation que l’on porte sur soi-même et sur sa propre vie. Nous ne pouvons être heureux que si nous jugeons l’être. C’est un paradoxe ! Rien ne nous séparerait du bonheur que nous-mêmes ! Le bonheur ne viendrait donc pas du dehors par l’obtention ou la possession de choses extérieures qui nous feraient défaut pour être heureux. Le bonheur viendrait du dedans à partir du moment où nous donnons notre accord à ce que nous sommes. “Chacun est bien ou mal selon qu’il s’en trouve”, écrit Montaigne.

Les insensés, comme Jafar ou même Aladdin, pensent qu’ils ont besoin pour être heureux de ce qu’ils n’ont pas. Ils ne voient pas qu’ils ont tout ce qu’il faut pour être heureux, que le don de l’essentiel leur est toujours fait, car le bonheur ne tient pas à ce qu’ils possèdent mais au jugement qu’ils portent sur eux-mêmes. Aladdin se juge indigne de Jasmine. Jafar considère que sa vie ne fait pas sens tant qu’il ne sera pas sultan. Mais dès qu’il le devient, cela ne lui suffit plus. Il lui faut être le plus grand sorcier de l’univers. Et quand il le devient, il souhaite alors devenir le génie le plus puissant du monde. L’insensé, qui conçoit le bonheur comme la possession de biens matériels extérieurs, est donc pris dans une spirale sans fin puisqu’il place son bonheur en dehors de lui-même. Jafar finit enchaîné, enfermé dans la lampe même, métaphore de l’homme aliéné par l’image qu’il se fait du bonheur. Aladdin ne devient véritablement heureux que lorsqu’il assume ce qu’il est devant Jasmine et ne cherche plus à lui dissimuler sa condition. Or, il se trouve qu’elle l’aimait déjà pour ce qu’il était.

En vérité, il n’avait nul besoin de génie.

La Reine des Neiges

En regardant La Reine des Neiges, c’est à une belle leçon de philosophie sur la valeur du désir que nous assistons cette fois. Le désir amoureux est-il un cadeau comme le chante la jeune Anna ou bien est-ce une maladie terrible dont il faut se garder?

Rappelons-nous: Anna, la jeune princesse d’Arendelle est tombée passionnément amoureuse, sans le connaître, du Prince Hans. Elle demande aussitôt la bénédiction de sa sœur Elsa, Reine des Neiges. Cette dernière est ferme: on n’épouse pas un inconnu. Anna reproche alors à sa sœur d’être un monstre insensible. Ne doit-on pas plutôt reconnaître qu’elle sauve Anna du plus grand malheur qui soit?

C’est en tous cas ce que pense le philosophe Lucrèce, disciple d’Epicure qui, dès l’Antiquité, nous met en garde sur l’une des maladies des plus dangereuses qui soit: le désir amoureux. Pour lui, l’amant est en proie à un délire. Frappé par l’amour, il ne voit plus clair. Il hallucine. Il transfigure l’être aimé, le pare de qualités qu’il n’a pas, nie les défauts qui sont pourtant indubitablement les siens. Bref: le coup de foudre rend aveugle. C’est ce que Stendhal désignera plus tard du nom de “cristallisation”. Il raconte que dans les mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d’arbre effeuillé par l’hiver. Lorsqu’on le retire pourtant, il est couvert de cristallisations brillantes. Il scintille de mille feux. Mais ce n’est qu’un bout de bois sec! Aussi, cette cristallisation ne dure qu’un temps: tôt ou tard, le réel se rappelle et l’amant découvre alors avec stupeur la réalité objective de l’objet de son désir. L’imaginaire se révèle dans sa dimension factice. De fait, Hans révélera sa nature machiavélique et ses sombres projets. Elsa a bel et bien sauvé Anna qui la sauvera d’ailleurs à son tour.

Et si au fond, le pouvoir d’Elsa, reine des neiges, créatrice de merveilleux cristaux de neige, c’était aussi celui de maîtriser ses désirs? Elsa est celle qui crée la cristallisation et non pas celle qui la subit. Elle ne sera pas, comme sa sœur, victime de la maladie du désir. Elle demeure maîtresse de sa vie. Un pouvoir empreint de philosophie en somme.

Le Roi Lion

C’est maintenant chez les philosophes stoïciens que Disney nous invite avec ce merveilleux dessin-animé qu’est Le Roi Lion. Lorsque Simba doit fuir le royaume des lions, il s’égare dans le désert et s’effondre inanimé. Timon et Pumba vont alors le sauver. Deux drôles de philosophes, en vérité.

Revenu à lui, Simba ne témoigne nulle joie d’avoir été sauvé. Et tandis que ses nouveaux amis l’interrogent, il leur apprend qu’il ne peut plus rentrer chez lui. Il a fait quelque chose d’épouvantable et, à défaut de pouvoir changer le passé, il n’y a rien à faire. Timon lui enseigne alors le mantra suivant: “Hakuna matata” Que veut dire cette drôle de phrase? Elle veut dire: pas de soucis !

C’est aussi une phrase imprégnée de stoïcisme. Pour ces philosophes de l’antiquité, la philosophie obéit à une finalité très précise: nous donner les moyens d’être heureux. La philosophie est une thérapeutique qui, en soignant les maux dont nous souffrons, nous permet d’atteindre le bonheur, c’est-à-dire l’absence de troubles. Pour atteindre cet état, voici la prescription quasi médicale du philosophe stoïcien Marc Aurèle. Il faut que nous apprenions à retrancher de notre esprit tout ce que les autres peuvent faire et dire. Ce que penseront les lions de ce qu’a fait Simba ne doit pas le préoccuper. Il faut de même retrancher tout ce que nous avons fait et dit nous-mêmes dans le passé. Inutile de ressasser la mort de Mufasa. C’est du passé. Il faut tout autant retrancher toutes les choses qui nous inquiètent pour l’avenir: le futur n’est pas encore. Enfin, il faut ôter de notre esprit tout ce qui advient indépendamment de notre volonté. Nous sommes emportés dans l’Histoire de la vie.

Si nous parvenons à circonscrire ainsi notre moi, alors notre pensée pourra être libérée des troubles, nous pourrons nous bâtir une citadelle intérieure au milieu du désert. Si l’altérité est hostile au moi, il peut en se recentrant sur lui-même jouir même au cœur de l’adversité. Même en plein désert se trouve l’oasis. Le lieu où vivront Simba, Timon et Pumba, une oasis en plein cœur du désert, est tout sauf contingent. Il est symbolique de leur philosophie même.

Aladdin et Montaigne, Elsa et Lucrèce, Simba et Marc Aurèle: voici trois exemples parmi tant d’autres qui prouvent bien que ce n’est pas parce qu’un dessin animé nous divertit et nous enchante qu’il se réduit à cela. Chaque opus de Disney renferme, je le crois, une pépite de sagesse qui peut nous aider à penser et à vivre. C’est ce que j’essaie en tous cas de montrer dans mon dernier livre “Ils vécurent philosophes et firent beaucoup d’heureux“.

Le divertissement n’est donc pas l’ennemi du sérieux tout comme le plaisir n’est pas celui de la philosophie. Opposons donc à l’esprit de sérieux un gai savoir! Et tant pis pour ceux qui ne le comprennent pas: ils se privent d’un merveilleux bonheur.

 

Partager :