Un ouvrage teinté de nostalgie

Par Octave Larmagnac-Matheron

« Si vous pensez que c’est une histoire qui finit bien, c’est que vous n’avez pas été assez attentifs ! » prévenait Ramsay Bolton. De Lyanna Mormont à Daenerys Targaryen, l’ultime saison de Game of Thrones a, effectivement, des allures d’hécatombe. Tout ne finit pas mal pour autant : certains des personnages les plus attachants, comme Jon Snow ou Tyrion Lannister sont encore debout. Et surtout, le Roi de la Nuit, qui menaçait la survie de l’humanité, a été vaincu. Dès l’épisode 3. Quoi ? Si tôt ? Huit saisons pour ça ? Cette incompréhension, Marianne Chaillan l’a ressentie tout au long des six derniers épisodes – comme des millions de téléspectateurs. Et si la déception était la leçon de Game of Thrones ? C’est l’analyse que propose la philosophe, dans un ouvrage teinté de nostalgie, plus intime que le précédent qu’elle a consacré à la série, Game of Thrones. Une métaphysique des meurtres (Le Passeur, 2017). Si la fin est décevante, c’est que les hommes – et les femmes – sont décevants : Daenerys sombre dans la folie du pouvoir et brûle une ville entière ; Jon Snow abandonne sa belle morale et assassine sa reine ; Tyrion se révèle un piètre stratège ; Arya et Brienne, qui remettaient en question les codes de la féminité, cèdent au jeu de la séduction ; Jaime retourne auprès de sa sœur malfaisante ; Cersei, totalement dépassée, n’est plus le génie du mal qu’elle était. Coup de grâce : le couronnement de Bran, le moins attachant des Stark, et peut-être de tous les personnages, transfiguré en Corneille à Trois Yeux impassible et mutique. Pourquoi lui ? Passée la déception, une leçon se dégage de ce dégrisement final : seul un être plus qu’humain peut bien gouverner, car les hommes sont faillibles, médiocres, oscillant du bien au mal en un battement de cil. Pas d’autre issue, dès lors, que cette conclusion en demi-teinte, « douce-amère » comme la voulait George R. R. Martin, l’auteur à l’origine de la saga, « épique et décevante » comme l’a décrite l’acteur Kit Harington. Une déception qui n’efface pas, pour Chaillan, la jubilation d’avoir participé, en tant que spectateur, parmi des millions d’autres téléspectateurs, à cette épopée télévisuelle. Comme le dit Tyrion, « rien n’est plus puissant dans le monde qu’une bonne histoire. Rien ne peut l’interrompre. Aucun ennemi ne peut la vaincre ».

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