Par AFP ,
MARSEILLE – Dans la salle comble, des centaines de fans de Harry Potter; sur l’écran, des citations de Platon, Berkeley ou Sartre: à Marseille, la Semaine de la “pop philosophie” invite les curieux à découvrir cette discipline sur un mode ludique, autour d’objets d’études du quotidien.
Cette saga à succès est “une mine inépuisable” de références, relève Marianne Chaillan, professeur dans un lycée marseillais, qui tenait mercredi une conférence sur le sujet à la bibliothèque de l’Alcazar.
Et d’évoquer le côté sartrien de Sirius, le parrain de Harry, avec son discours sur la liberté refusant les déterminismes du passé. La cape d’invisibilité de l’apprenti sorcier, qui fait écho au mythe platonicien de l’anneau de Gygès. Ou encore les frontières sans cesse brouillées entre réel et de fiction, une problématique propre au philosophe irlandais Berkeley.
Au-delà de ces nombreux clins d’oeil, le récit pose “la question de la finitude“, en opposant le maléfique Voldemort qui cherche à tout prix à conjurer la mort, et le jeune héros qui “chemine vers son acceptation“, analyse Mme Chaillan, sous l’oeil attentif d’un jeune public.
Charlotte et Lucas, 19 ans, étudiants en sciences politiques, ont visiblement apprécié cette “approche interactive et pédagogique des grands théoriciens“, dont l’étude “peut parfois être assommante“.
“Je pense que cela ouvre la philo à des gens qui n’ont pas forcément l’habitude, et même pour des gens qui l’étudient comme c’est mon cas, cela montre qu’on peut philosopher à partir de tout“, témoigne Juliette.
De tout, comme de la chose porno, du rap ou du football, autant de thèmes abordés par ce festival né en 2009 et présenté comme unique en France, qui permet de “nouer des liens entre des pratiques cloisonnées“, souligne l’enseignant Stéphane Floccari, venu de Paris pour disserter sur le ballon rond.
“Si vous osez lire le journal L’Equipe en salle des profs, c’est suspect intellectuellement“, déplore cet agrégé de philosophie, dont la démarche “consiste justement à mettre de la réflexion là où il n’y en a pas, et à mettre du plaisir dans la pensée“.
Comme lui, une trentaine de philosophes, écrivains, sociologues et journalistes participent à cette semaine de la pop philosophie, une expression “proposée par Gilles Deleuze à la fin des années 1970“, explique le concepteur de l’événement, Jacques Serrano.
Avec une première édition axée notamment sur le thème des séries télévisées, la manifestation a vite trouvé son public – 3.000 personnes l’an passé -, de théâtre en café ou même discothèque, à côté de lieux plus classiques, comme les bancs de la fac. “Ce qui est assez peu pour un concert de rock, mais énorme pour la pensée contemporaine“, commente M. Serrano.
Et si sa “motivation” première n’est pas “une démocratisation” de la philosophie, “force est de constater que c’est le cas“, précise-t-il: à chaque conférence, se presse un public néophyte, qui prend “plaisir à entendre des idées originales sur des objets qui lui sont familiers“.
Avec une nouveauté cette année: samedi au théâtre de la Criée, la nuit entière (de 20H à 2H) sera consacrée à des discussions philosophiques, de la corrida aux mutations de la figure du vampire à travers les âges, en passant par la télé-réalité ou la carte de fidélité.