Le mal de vivre

Chronique du 15 Mai 2020, dans l’émission Grand Bien Vous Fasse

Dans la saga Harry Potter, se trouve cette phrase très belle, qui résonne avec force dans le contexte que nous traversons : « On peut trouver le bonheur même dans les temps les plus sombres. Il suffit de se rappeler d’allumer la lumière. »
Cette phrase m’a toujours fait penser à la philosophie stoïcienne qui affirme la possibilité d’être heureux, même au cœur des pires épreuves, par un tour de force mental.
Retranchés dans leur citadelle spirituelle intérieure, les sages stoïciens prétendent se rendre imperméables aux maux qui les frappent.
J’ai donc toujours aimé cette phrase. Mais j’avoue que, pour la première fois, j’ai pensé que c’était …un peu facile à dire.
Comment on s’y prend pour allumer la lumière ?
En ce moment, j’ai plutôt l’impression que nous sommes tous plongés dans le noir et que personne ne trouve l’interrupteur.
Comment on fait pour allumer la lumière quand après de longues semaines de confinement pour nous protéger des effets du virus, on nous demande de sortir alors que le virus est toujours là, à circuler dehors et qu’on peine toujours à trouver des masques pour se préserver ?
Comment on fait pour allumer la lumière quand il n’y a ni vaccin ni remède sur lequel chacun s’accorde et qu’on nous annonce qu’il va falloir apprendre à vivre durablement avec ce virus qui nous prive de pouvoir simplement embrasser nos proches ?
Comment on fait, enfin, quand on réalise qu’outre le Covid,
tant d’autres maux continuent de pouvoir nous frapper et nous frappent,
nous et ceux qu’on aime ?
Non vraiment, la vie n’est pas douce en ce moment.
Et ça vaut pour tout le monde,
« qu’on soit de Rome ou d’Amérique, Qu’on soit de Londres ou de Pékin ».
On emprunte tous le même chemin.
Et ce chemin devient long quand il faut le faire avec un autre mal au creux des reins.
Un mal qui nous guette.
Car ce coronavirus pourrait bien, même s’il ne nous frappe pas tous, finir par nous conduire, tous, à éprouver ce « mal de vivre » que chante la sublime Barbara.
Alors, comment on s’y prend pour allumer la lumière et être heureux face à une telle adversité ?
Ou plus modestement, comment on fait pour ne pas céder au mal de vivre ?
Et bien justement, il faut se rappeler la chanson de Barbara. Sa fin surtout.
Elle nous apprend que le bonheur ne se décrète pas.
Il n’est pas affaire de volonté.
Il ne dépend pas de nous.
Et aujourd’hui moins que jamais.
Le bonheur, c’est, comme son étymologie l’indique, cette « bonne surprise » qui « sans prévenir arrive”, qui “vient de loin » et qui « un matin, au réveil est là, et (nous) émerveille au creux des reins ».
André Gide a écrit que, dans la vie, rien, heureusement, ne se passe comme on l’attendait.
Pour le pire, certes, et nous le voyons en ce moment, mais aussi, ne l’oublions pas, pour le meilleur.
Si le mal de vivre nous guette, songeons que la vie est possiblement longue et assurément pleine de surprises.
Partager :